L'heure juste
SEPTEMBRE 2024
VUES SUR LE BAPE
LES DEMANDES DE CONSULTATION PUBLIQUE
Un portrait fascinant
La Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement confère un grand pouvoir aux citoyennes et aux citoyens: celui de demander au ministre responsable de l’Environnement la tenue d’un examen public du projet visé par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Qui s’est prévalu de ce privilège à travers le temps? Quelles tendances se dégagent en cette matière? Deux analystes se sont penchés sur la question.
Pourquoi se livrer à un tel exercice? Les connaissances qu’il permet d’acquérir constituent une ressource précieuse pour bien répondre aux questions de celles et ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur cette étape cruciale de la procédure.
Rappelons qu’au cours des périodes d’information publique annoncées par le BAPE, la population est invitée à s’informer sur les projets soumis à la procédure. Si une personne, ou un organisme, considère qu’il lui manque des renseignements pour bien évaluer un projet, ou encore, si elle souhaite avoir l'occasion de donner son point de vue sur un projet, elle peut demander la tenue d’un examen public par le BAPE. À moins qu’il la juge non recevable, le ministre donnera suite à la requête.
De quoi parle-t-on?
Les analystes Pierre Batellier et Clara Pocard ont examiné 2452 demandes envoyées au ministre entre 1978 et 2021 et ayant trait à 228 mandats d’enquête et d’audiences publiques pour lesquels des données sur les requêtes étaient disponibles. Cela représente environ 90% des mandats d’audiences publiques découlant de requêtes réalisés au cours de cette période. Rappelons que, depuis sa création, le BAPE a réalisé 377 mandats.
Dans le cadre de leur recherche, les analystes ont distingué les requêtes citoyennes de celles transmises par des groupes ou des organismes. Les premières sont déposées par un ou plusieurs individus ayant signé le document en leur nom personnel; les secondes proviennent, par exemple, d’associations, de regroupements, d’organismes environnementaux, d’entreprises, de municipalités ou d’institutions des Premières Nations.
D’où viennent les requêtes?
Les données révèlent qu’au fil du temps, la proportion de demandes provenant de citoyennes et de citoyens a augmenté, passant de 26% entre 1978 et 1990 à 65% entre 2011 et 2021. Inversement, la proportion de requêtes issues de groupes et d’organismes a diminué, passant de 74% des requêtes entre 1978 et 1990 à 35% entre 2011 et 2021.
De 1978 à 2021, parmi les groupes et les organismes, les groupes environnementaux ont présenté le plus grand nombre de requêtes (39%). Ils sont suivis des groupes d’intérêt économique, incluant les entreprises (23%), ainsi que des municipalités et des MRC (14%).
Cela dit, la proportion de demandes provenant de groupes environnementaux a diminué au fil du temps, passant de 43% entre 1991 et 2000 à 33% entre 2011 et 2021 alors que, sur la même période, la proportion de requêtes déposées par des groupes d’intérêt économique est passée de 13% à 23%. Autre tendance intéressante, la proportion de demandes issues d’institutions des Premières Nations s’est accrue, passant de 2% entre 1991 et 2000 à 5% entre 2011 et 2021.
La recherche a également permis de révéler quels groupes sont à l’origine du plus grand nombre de requêtes sur l’ensemble des 228 mandats analysés. Il s’agit du Mouvement Au Courant (41 requêtes) et du Front québécois pour une gestion écologique des déchets (22). L’UPA et ses différentes instances (22) ainsi que Nature Québec (11) se démarquent aussi.
Généralement, plus d’un requérant est à l’origine d’un mandat confié au BAPE. Ainsi, 92% des 228 mandats considérés ont été réclamés par plus de 2 requérants. Cela dit, une seule personne ou un seul groupe ou organisme peut amener le ministre à mandater le BAPE pour qu’il réalise une consultation publique ou une médiation. C’est arrivé 19 fois dans l’histoire du BAPE!
Qui présente les requêtes?
Lorsque débutent les séances publiques d’une audience ou d’une consultation ciblée, la personne qui préside la commission invite les individus et les organismes qui ont transmis des demandes au ministre à en résumer les motifs. Entre 1991 et 2021, période pour laquelle les données étaient disponibles, 60% des requêtes provenant de groupes et d’organismes ont été résumées oralement en séance, contre seulement 32% de celles rédigées par des individus (pour un total de 45% des demandes présentées en séance). Ces données sont liées à 216 mandats.
Les analystes ont aussi étudié de manière plus approfondie les requêtes pour lesquelles ils possédaient des informations sur les auteurs. Ils ont découvert qu’entre 1991 et 2021, les femmes représentaient 38% des signataires de requêtes, mais seulement 28% des personnes ayant présenté une demande en séance. Cette donnée s’avère particulièrement intéressante puisque la recherche dont il est question ici s’inscrit dans une démarche plus large visant à connaître les freins et les incitatifs à la participation des femmes et à leur prise de parole à l’occasion des consultations publiques du BAPE ainsi qu’à identifier des pistes d’action pour favoriser cette participation.
Que conclure?
Au-delà des chiffres, que révèle cette étude? Simplement que, si un projet soumis à la procédure vous préoccupe, vous pouvez demander au ministre de confier au BAPE la réalisation d’un examen public. Il ne faut pas hésiter à le faire. Si votre requête est jugée recevable, une audience publique, une consultation ciblée ou une médiation s’ensuivra. Comme quoi la participation de tous peut faire une grande différence!